Zlabia.com Le Rendez-vous des Juifs d'Algerie





La couleur de l'eau est celle de son récipient
22 octobre 2005, 06:25
« Le verre est tellement mince et le vin tellement clair qu’ils se confondent et qu’il y a doute,
C’est comme s’il y avait du vin et pas de verre, ou comme s’il y avait un verre et pas de vin ».

Ce poème d'Abou Nuwas (du IX siècle) s'applique étrangement à la vie commune (moeurs, coutumes, costumes) qui caractérise les juifs et les musulmans au Maghreb. Il y a tellement de ressemblance que parfois on confond les gens. Dernièrement j'étais en train de consulter un livre illustré sur les juifs d'Algérie et j'étais frappé par les images sublimes de grands rabbins, fin 19e et début 20e siècle. En voyant par exemple le protrait des rabbins de Constantine ou d'Oran, on se trouve dans cette situation du vin qui prend la couleur du verre d'après le poème. On a l'impression de voir un imam, et lorsqu'on voit un imam de la même époque, on a l'impression de voir un rabbin. Cette similitude frappante montre à quel point les branches bifurquées ne peuvent que rejoindre leur racine commune. Cette similitude a toujours caractérisé notre histoire et a contribué à la richesse culturelle et identitaire.
J'ai travaillé dans mes études (ma thèse de doctorat) sur le grand mystique d'Andalousie Muhyiddin Ibn 'Arabi (1165-1240) et j'étais frappé par l'usage du symbolisme des lettres dans la lecture de la tradition, une entreprise déjà familière aux mystiques juifs nommée la "Kabbale", comme on le voit par exemple chez Abraham Aboulafia, né en 1240, l'année du décès d'Ibn 'Arabi. Bien que les traditions soient différentes, parce que des voies divergentes, la racine ou l'origine commune ne cesse de les accompagner dans leur quête. Bref, la couleur de l'eau est celle de son récipient : nous avons la même couleur du récipient culturel et historique qui nous a forgé.
Chaouki
Re: La couleur de l'eau est celle de son récipient
22 octobre 2005, 10:17
Salut Chaouki,

Vous êtes à l'honneur de présenter les ressemblances plutôt que d'inventer des différences, comme certains auteurs s'y sont prétés, pour séparer les communautés en semant la discorde et la haine.
Cette dernière comme je l'ai décrite en d'autres messages, est d'une couleur choisie par son récipient (le verre), et qui a la force de le détruire ainsi que les verres associés, qui en reçoivent les éclats.

Les dictateurs de ce monde ont voulu utiliser la minorité Juive comme boucs émissaires en la blâmant de tous leurs propre maux, pour manipuler les masses, et ainsi masquer leurs mensonges, leurs vols, leur manipulation des peuples, leurs défaites et finalement, leur faiblesse.

Votre nouvelle génération a le courage de relever le défi, de se pencher et de s'allier avec la communauté Juive comme il en toujours fu, jadis.

Nous avons aussi en commun des traditions et coutumes millénaires. Il ne suffit que de les nommer pour les comprendre.

Mes communications avec de jeunes Algériens musulmans me prouvent aussi que des traditions juives ancestrales sont restées avec la population, même après notre exode.


Abraham
Re: La couleur de l'eau est celle de son récipient
22 octobre 2005, 13:03
Cher Abraham,
En effet, j'ai toujours pensé que je ne dois pas porter les erreurs de mes sujets, ceux qui nous ont gouvernés et ceux qui veulent une lecture orientée et unidimensionnelle de l'histoire. Je me réjouis que ma nouvelle génération ait ouvret l'esprit pour ne pas se laisser berner par les idéologies de tout bord. Il suffit de prendre son baton, tel un Moïse, et faire un tour de l'Algérie et constater les strates de l'histoire qui se superposent : juifs, chrétiens, berbères, arabes, etc. ont laissé des traces inestimables et incontestables. Sauf l'aveugle, ou celui qui s'acharne dans l'aveuglement, ne veut voir que son égoïsme et sa suprématie.
Je ne peux qu'être admiratif et reconnaissant des traditions multiples qui ont constitué notre identité, une identité plurielle où cohabitent toutes les confessions et les traditions, sans exclusion et sans renégat.
Vous avez raison de signaler que notre défaite est avant tout "culturel", parce qu'on a pas voulu voir les différences qui composent notre histoire. On a voulu à tout prix réduire à néant ces traces (traditions, églises, synagogues, etc.) qui défient le temps et la bêtise des hommes. Le résultat : on a voulu rester entre semblables, mais les semblables finalement se sont déchirés, se sont entretués jursqu'au jour où on a compris, plus ou moins notre génération, que l'autre, l'altérité, n'est pas une menace; que parfois le péril vient de soi-même. Ce n'est plus le dicton de Sartre "Les autres, c'est l'enfer", mais aujourd'hui, on se rend compte, que l'enfer c'est soi-même.
On ne peut être que fier de la richesse de notre histoire et comme vous le disiez, ceux qui pointent l'index pour culpabiliser les autres et rejeter la responsabilité sur eux, cachent une misère latente, une faiblesse non avouée, voire une lacheté.
Sincères salutations.
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