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HISTOIRE DES JUIFS D'ORAN

   

 

     L'HISTOIRE DES JUIFS A ORAN DE L'ANTIQUITE A NOS JOURS.

Par Madame ATTIAS Mireille

Origine des juifs en Afrique du Nord. Selon une légende du Hoggar, les juifs à l'origine de l'artisanat du fer.

Arrivée des juifs avec les Phéniciens.

Origine palestinienne des populations berbères.

Immigration des juifs de Cyrénaïque et d'Egypte au 2ème siècle.

ORAN :

son origine : La Kouïza de Ptolémée et de Pline l'Ancien.

Les différentes invasions : Les Vandales, les Arabes.

Disparition de la ville vers 645.

Véritable création de la ville vers 903 : Ouahran.

Les premiers juifs avec les Almoravides, puis avec les Almohades.

Persécutions diverses ainsi qu'avec les Mérinides.

1287 : 1ère arrivée des juifs de Majorque.

1391 puis 1492 : Arrivée des juifs d'Espagne. Les juifs d'Oran s'adaptent à cette nouvelle civilisation.

1509 : Prise d'Oran et de Mers El Kébir par les Espagnols.

Vie libre des Juifs jusqu'en 1669.

1669 : Expulsion totale des juifs.

1708 : Les Turcs s'emparent d'Oran. Les juifs reviennent.

1732 : Retour des Espagnols. Les juifs sont de nouveau expulsés.

Nuit du 8 au 9.10.1790 : Un terrible tremblement de terre détruit la Ville.

1792 : Les Turcs reprennent possession de la ville et le bey accorde diverses faveurs aux juifs pour qu'ils se réinstallent à Oran.

 

1830 : Arrivée des Français à Alger. Le Pourim d'Oran.

1831 : Arrivée des Français à Oran, organisation des écoles, la langue.

1859 : Arrivée des juifs de Tétouan.

 

1865 : Senatus consulte sur l'état des personnes et des biens.

 

1870 : Le décret Crémieux.

A partir de 1871, l'antijudaïsme à Oran, ses différentes formes à travers les élections et les journaux. L'abbé Lambert.

La situation des juifs durant la 2ème guerre mondiale.

 

Les lois raciales

 

L'organisation de la Résistance

 

L'opération Torch

 

Oran après la 2ème guerre mondiale.

Les journaux

 

Evolution démographique

Les moeurs et les traditions : origine de la Mouna; histoire de la Vierge de Santa Cruz.

Promenade dans Oran des années 50

1er novembre 1954 : début de la guerre

1956 : Grève des dockers à Oran . Saccage des magasins du quartier juif

14 mai 1958 à Oran

29 avril 1959 : entretien de De Gaulle avec Pierre Laffont, directeur de l'Echo d'Oran

12 décembre 1960 : Profanation du cimetière juif d'Oran

1961 : l'O.A.S.

1962 : Les attentats

L'incendie du port le 25 juin

Tuerie du 5 juillet

L'exode

L'après-Français à travers Oran d'aujourd'hui.

Comme on ne va pas jusqu'à la fin des temps reprocher à Camus de n'avoir vu qu'une ville ordinaire, rien de plus qu'une Préfecture Française de la côte algérienne ( C'est l'introduction de " La Peste "), nous allons plutôt écouter son professeur de philosophie, Jean Grenier : " Cette tache blanche, c'est Oran ; cette tache d'encre violette, c'est la Méditerranée ; rien n'est plus beau pour celui qui aime d'un même amour l'Afrique et la Méditerranée que de contempler leur union depuis Santa Cruz ".

Voyons donc la création d'Oran, d'abord ville phénicienne puis romaine ; ensuite, après 300 ans de disparition, Ouharane fut refuge de pillards et de corsaires, puis Oran espagnole jusqu'au tremblement de terre en 1790 et l'occupation par les Turcs jusqu'à l'arrivée des Français.

Avant d'en arriver à la période douloureuse qui précède notre départ, nous ferons une promenade dans cette ville qu'aucun nuage n'assombrit encore et qui est devenue la cité la plus animée, le centre commercial le plus actif d'Algérie. Après l'évocation de ces années, nous nous promènerons dans l'Oran d'aujourd'hui redevenue Wharan, une ville éteinte et dont le coeur ne bat plus.

L'agglomération d'Oran remonte aux premiers âges de l'humanité. Les recherches de paléontologistes et de naturalistes ont établi l'existence d'un Oran préhistorique très important et l'on peut visiter encore les nombreuses grottes du Murdjadjo où nos premiers aïeux avaient laissé des traces de leur passage et des vestiges de leurs industries : coup de poing chelléen, haches, couteaux ou scies en silex, en quartzite ou en grès siliceux, toutes ces pièces que nous avons pu admirer dans la salle d'ethnographie au premier étage du musée Demaeght.

Ainsi, la belle grotte aux trois ouvertures qui se trouve à l'origine du ravin de Noiseux abritait certainement un notable ou un riche négociant, sans doute en vins, car n'oublions pas que le Murdjadjo était couvert de vignes sauvages fournissant un vin rude tel que le feront plus tard les Pères Blancs de Misserghin.

Dès les premiers siècles du IIème millénaire avant notre ère, les Phéniciens fondèrent des établissements commerciaux et amenèrent avec eux les premiers Juifs. Carthage prit ensuite la relève mais ce sont les Romains qui assurèrent la prospérité de Portus Divini qui englobait les sites d'Oran et de Mers-El-Kébir. La pratique de l'irrigation permit le développement des plantations d'oliviers et de vignes, et l'accroissement des cultures céréalières et de l'élevage. L'Oranie devint ainsi une des plus riches contrées de l'Occident.

Au IVème et au Vème siècles, l'organisation romaine commence à se désagréger et après les invasions des Vandales, ces envahisseurs germaniques venus de l'Espagne, débarqués en 455 et surtout la conquête par les arabes en 645, la cité s'éteint et disparaît.

Il faut donc situer la véritable création de la ville d'Oran aux environs de 903, lorsque des marchands arabes de la côte d'Andalousie construisent quelques habitations et un entrepôt pour leur commerce avec Tlemcen et les populations nomades du Sahara. Cet établissement prospère rapidement.

La ville s'appelle alors Wharan, nom qui signifie : endroit difficile d'accès ou coupure. Ce mot serait alors expliqué par le site : la vallée qui sépare le front du Murdjadjo de celui de la montagne des Lions est une coupure. Plus probablement, la ville doit son nom au calife Bou Charam Ouaraham qui gouvernait la ville au Xème siècle. Le nom d'Oran apparaîtra pour la première fois dans un portulan génois de 1384.

En 910, Oran est occupé par les Fatimides, une dynastie chi'ite qui avait Kairouan pour capitale.

En 1083, c'est au tour des Almovarides. Cette dynastie berbère occupe le sud de l'Espagne et la plus grande partie de l'Afrique du Nord. Ils furent vainqueurs notamment des armées chrétiennes conduites par El Cid Campéador (1043-1099), avant de succomber sous ses assauts. Rappelons que son surnom du Cid vient de l'arabe sidi (mon seigneur).

En 1137, les Almohades conduits par Abd El Moumin, ce génie militaire né dans le pays de Nédroma, occupèrent toute l'Afrique du Nord, les royaumes de Cordoue et de Grenade. Ils furent défaits par les chrétiens à Las Navas de Tolosa le 17 juillet 1212.

En 1242, la dynastie berbère des Mérinides occupe le royaume de Grenade, tout le Maroc et une partie de l'Algérie, guère plus loin qu'Oran cependant. Ils étaient surtout de grands bâtisseurs. Mais malgré toutes ces occupations successives, Oran devient peu à peu une ville puissante.

Le système douanier, le commerce avec Marseille, Gènes et surtout Venise avec qui Oran a signé un traité de Commerce en 1250 font des Oranais des gens riches. Ils exportent de la laine, des peaux, des burnous fins, des tapis, des haïks, du cumin, des noix de Galle (ou galle d'Alep, c'est la tumeur résultant de la réaction des végétaux piqués par un insecte) et parfois aussi des esclaves noirs.

Vers la fin du XIVème siècle, Oran a alors atteint un tel degré de prospérité qu'un contemporain enthousiaste, Ibn Khaldoun, le célèbre historien arabe pouvait s'écrier : " Oran est supérieure à toutes les autres villes par son commerce. C'est le paradis du malheureux. Celui qui vient pauvre dans ses murs en sort riche. ". Mais la richesse de la ville excite la convoitise de nombreux princes berbères qui se disputent sa possession.

Oran est alors sous la coupe des Beni Zian, les gouverneurs de Tlemcen. Le luxe et la richesse portent les Oranais aux excès les plus condamnables. Ville de corruption et de relâchement dans les moeurs, Oran devient le berceau de la piraterie et Mers El Kébir un nid de forbans. Ces pirates poussaient l'insolence jusqu'à venir enlever les galions des Indes sous le feu des batteries espagnoles et faisaient continuellement des descentes armées, des côtes de l'Andalousie à Gibraltar.

Dans les premiers jours de juillet 1501, une expédition préparée par les Portugais tente de débarquer à la plage des Andalouses qui est ainsi nommée car c'est à cet endroit que débarquèrent les premiers Maures chassés d'Espagne qui furent pris par les populations autochtones pour des Andalous. La flotte surprise par un vent contraire louvoya pendant trois jours. Les arabes eurent le temps de réunir des hommes et reprirent l'avantage . Cette expédition échoua et c'est seulement le 19 mai 1509 que les Espagnols prirent la ville . Ils l'occupèrent cette première fois jusqu 'en 1708.

C'est de cette époque que datent les constructions militaires : En 1690 Don Alvarez de Bzan y Sylva, marquis de Santa Cruz fait construire au sommet du pic de l'Aidour le fort qui porte son nom.

En 1708, les Turcs sous le commandement du Bey Mustapha ben Youssef, dit Bou Chlahem, l'homme aux grandes moustaches, le fondateur de la ville de Mascara s'empare d'Oran.

En 1732, les Espagnols sont de retour à la suite de la victoire remportée à Aïn El Turk par le Comte de Mortemar.

En 1780, les Espagnols entament des pourparlers avec l'Angleterre en vue d'un échange avec Gibraltar. C'est un échec, heureusement ! Sinon nous serions Anglais aujourd'hui !

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790, peu après 1 heure du matin, 22 secousses successives ébranlent la ville et font s'écrouler une grande partie des maisons. En moins de 7 minutes, 3000 personnes sont ensevelies. Des secousses se font sentir jusqu'au 22 novembre.

A la suite de ce terrible événement, le roi d'Espagne Charles IV ne s'intéressant plus à l'occupation de cette ville d'Oran qui devenait de plus en plus onéreuse et périlleuse, entame des discussions avec le bey d'Alger. Un accord est conclu, et le 6 mars 1792, le bey Mohammed El Kébir prend possession d'Oran . Jusqu'en 1830, les beys firent d'Oran leur capitale au détriment de Mascara.

Le 4 janvier 1831, les Français font leur entrée officielle dans la ville. Ce n'est pas tout de suite la paix - au contraire -. Abd El Kader va créer l'insécurité en harcelant l'armée française et il faudra 12 ans avant que le duc d'Aumale ne fasse prisonnier toute sa smalah en mai 1843.

Abd El Kader ne fera sa soumission à Louis-Philippe que le 23 décembre 1847. Mais dès 1835, le génie avait entrepris la route en corniche vers Mers El Kébir avec le percement d'un tunnel et les Français s'étaient lancés dans la restauration de la ville :

- En 1836, le général de Létang crée la magnifique promenade d'où l'on peut jouir d'un si beau panorama.

- De 1841 à 1845, Lamoricière crée un village regroupant les étrangers : Le village des Djalis (étrangers), appelé ensuite le village nègre avant de devenir la " ville nouvelle ".

- En 1848, un hôpital civil est édifié rue du Cirque.

LA DEMOGRAPHIE ET LES DIFFERENTES POPULATIONS.

Dès le IIème avant J.C., ce sont les Phéniciens qui habitent Oran et surtout les juifs qui eux, y font commerce. Depuis ce temps les juifs sont présents dans la ville et seuls parmi toutes les entités humaines, ils ont connu sans perdre leur identité la longue série d'empires qui gouvernent cette terre depuis Carthage jusqu'à la France.

Et lorsque Isabelle la Catholique expulse tous les juifs d'Espagne, le mardi 31 juillet 1492, c'est 200 000 personnes qui s'expatrient et un millier d'entre eux vers le Maghreb ; Oran en recevra la plus grande part.

En 1770, Oran est une ville de 532 maisons particulières et 42 édifices publics ; une population de 2 317 bourgeois et 2 821 déportés libres se livrent au négoce. Lorsque les Espagnols quittent Oran en 1792, il ne reste qu'un seul européen, un Français, le sieur Gaillard né en 1750 à Paris et naturalisé Espagnol sous le nom de Gallardo ; il se fait musulman en acceptant la charge de joaillier du bey. Son fils hérite de la charge et les Français le trouveront en arrivant, exerçant son métier.

En 1794, des pèlerins venus de la Mecque apportent une nouvelle épidémie de peste et la ville redevient pratiquement déserte.

En 1832, le recensement fait par le commissaire du roi, Pujol, indique une population de 3 800 habitants : 750 européens, 250 musulmans et 2 800 israélites. Malgré une épouvantable épidémie de choléra en 1849, la ville va se développer rapidement. En 1961, les statistiques donnent 400 000 habitants : 220 000 européens et 180 000 musulmans. Oran est alors la première ville d'Algérie où la population européenne dépasse en nombre la population musulmane.

Depuis le 31 janvier 1848, la ville est érigée en commune et jusqu'en 1962, 28 maires s'y succéderont et s'appliqueront à embellir peu à peu leur ville.

Jusqu'en 1850, la ville se cantonne dans les bas quartiers avec une seule pointe sur le plateau représentée par le quartier israélite. Vers 1890, Oran, à l'étroit, commence à grimper vers Karguentah. Peu à peu, la ville sort de ses limites et de nombreux faubourgs se créent : Saint Antoine, Eckmuhl, Boulanger, Delmonte, Saint Michel, Miramar, Saint Pierre, Saint Eugène, Gambetta.

L'administration française distribue de nombreux lots de terrains de 4 à 12 hectares à de petits colons européens et nombre d'entre eux tentent leur chance :

Au 1er janvier 1847, 47 300 Français étaient venus d'Alsace, des Vosges, du Dauphiné et du sud de la France en même temps que 31 000 Espagnols, 8 800 Maltais, 8 200 Italiens et 8 600 Suisses et Allemands qui passaient pour être les plus mauvais colons.

La consanguinité espagnole est constatée dans 80% environ de la population française d'origine européenne, mais bien peu de particularités permettaient encore de les distinguer. Si les spectacles de danses ou de musique espagnole continuaient de plaire aux Oranais, les courses de taureaux n'avaient plus de succès et les arènes d'Eckmuhl tombèrent en ruines.

Les Oranais de Tlemcen, Mostaganem, Mascara, Sidi-Bel-Abbès ou Relizane étaient pour la plupart des descendants d'émigrés espagnols, levantins ou andalous qui, au milieu du XIXème siècle avaient fui la misère de leur pays. Leurs grands-pères étaient arrivés à bord de balancelles transportant des cargaisons de gargoulettes. Sur la blouse noire des paysans alicantins, ils transportaient au bout d'une canne un baluchon qui constituait tout le patrimoine familial.

Dans la cour des écoles, ceux dont le nom avait une consonance ibérique étaient des "escargots" parce que leurs parents étaient venus en Algérie "transportant leur maison sur leur dos". Seul les prolétaires continuaient à parler le patois valencien ou andalou et à pratiquer un catholicisme fortement entaché de pratiques superstitieuses. Les Levy ou les Cohen étaient des "piments" , car la frita, mets à base de poivrons doux, constituait pour eux une nourriture de base. Les musulmans qui portaient à l'époque la chéchia ou le fez étaient à cause de la forme et la couleur de leur coiffure des "fromages de hollande", des "bouteilles cachetées" ou des "melons". Les Durand et les Dubois, fraîchement arrivés de la Mère Patrie, si loin qu'il fallait alors 40 heures de bateau pour y parvenir, étaient des "francaouis".

Le terme "patos" est né plus tard. En espagnol, un patos est un canard ; et les braves paysans limousins ou jurassiens que la France envoyait servir au 2ème régiment de Zouaves à Oran ou au 2ème Chasseurs d'Afrique à Mascara avaient souvent la démarche chaloupée de ce palmipède.

Les gens nés dans le pays n'étaient pas encore des Pieds Noirs. Ils s'étaient attribués, pour se distinguer des nouveaux débarqués de nom de " margaillons ". Un margaillon en jargon pataouète est un palmier nain qui pousse un peu partout, qui peut vivre des mois sans eau et qui ne se laisse arracher qu'avec beaucoup de difficultés ; il était pour eux un symbole d'endurance et de résistance. ( on peut rapprocher ce mot de celui de Sabra qui est une figue de Barbarie et qui est le surnom du juif né en Israël.) Tous ces surnoms ne devenaient péjoratifs qu'au cours d'une discussion... ou d'un match de football, ce qui revient au même.

Les mariages avaient brassé les descendants des communautés originelles métropolitaines, ibériques ou italiennes . Venaient s'y ajouter quelques gouttes de sang grec ou maltais. Les légionnaires démobilisés à Sidi Bel Abbès se fixèrent aussi volontiers dans le pays. Il y eut quelques mariages entre chrétiens et juifs, très peu entre européens et musulmans et pas du tout entre musulmans et juifs. Ce n'était pas du racisme mais une incompatibilité de règles religieuses et de moeurs, la polygamie des uns étant incompatible avec la monogamie des autres.

La proximité de l'Espagne (par temps clair, de la côte de Bel Horizon qui domine la rade de Mers El Kébir du haut de ses 511 mètres, il est possible d'apercevoir à l'horizon le sommet de la cordillère du Cap de Gata), une occupation de trois siècles par les armées espagnoles, ont donné aux Oranais un caractère qui leur faisait dire en parlant des Algérois de la rue d'Isly, que ces derniers étaient les Lyonnais de l'Algérie. Autant les Algérois se montraient réticents à accepter un étranger, autant les Oranais avaient le sens ibérique de l'hospitalité.

Le 14 juillet 1865, date à laquelle Napoléon III signe le senatus consulte sur l'état des personnes et de la naturalisation qui frappe de nationalité française les israélites et les musulmans qui le désirent, marque le début, en Algérie et à Oran, de la période anti-juive. Dès le début, l'antisémitisme algérien est une affaire de politique électorale. La première ligue anti-juive est fondée en juillet 1871 pour écarter les juifs des urnes ; nouveaux électeurs, ils sont 15% du corps électoral et en mesure d'arbitrer les conflits. Car, dociles et sans formation politique, ils votent selon les indications de leur consistoire. Or ceux-ci sont parfois présidés par des personnalités aussi discutées que le fut Simon Kanoui "Le Rotschild d'Oran", grand électeur de l'Oranie de 1871 à 1897 et qui proclamait beaucoup trop haut et beaucoup trop fort que personne n'entrerait à la Mairie sans son aval. Quand l'affaire Dreyfus éclate, la vague anti-juive grossit brusquement.

Des ligues anti-juives se créent, rassemblant dans un parti "français" les électeurs de gauche. Ils l'emportent aux élections municipales de 1897 : C'est le pharmacien Gobert, radical anti-juif, qui est élu. En mai 1897, un attentat contre un conseiller municipal d'Oran, venu assister à une course cycliste à Mostaganem, provoque le pillage du quartier juif de cette ville par les Musulmans et les européens. Cet exemple est suivi à Oran où la mise à sac des boutiques appartenant aux israélites dure trois jours.

Cependant le gouvernement refuse d'accéder aux exigences de la population qui demande l'abrogation du décret Crémieux.

Mais le marasme économique dans lequel se débat l'Algérie démobilise les politiciens. " On ne vit pas de politique " est-il écrit dans la dépêche algérienne du 1er avril 1902. Aux élections de la même année, les candidats républicains l'emportent sur les anti-juifs : Le calme est revenu.

Le porte-parole de l'anti-judaïsme sera longtemps un vieux médecin, le docteur Molle. Celui que ses amis appellent le rénovateur de l'antisémitisme algérien, ne pardonne pas aux juifs d'avoir voté contre lui. Fondateur d'une " ligue latine" , puis d'une " union latine " qui appelle l'union des latins contre les juifs, il réussit à obtenir le boycott des commerçants juifs. Aux élections municipales de mai 1925, sa liste l'emporte avec 2 000 voix de majorité.

Le docteur Molle est soutenu dans sa campagne par le journal "Le Petit Oranais" qui a pour manchette une phrase de Luther : " Il faut mettre le soufre, la poix et s'il se peut le feu de l'enfer aux synagogues et aux écoles juives, détruire les maisons des juifs, s'emparer de leurs capitaux et les chasser en pleine campagne comme des chiens enragés ". Obligé, à la suite d'une plainte du Gouverneur Général Violette de retirer cette manchette, le journal ornera, quelques années plus tard, sa première page d'une croix gammée. Les Unions Latines du docteur Molle prospérèrent et, de 1926 à 1932, elles domineront la vie politique de l'Oranie.

En 1932, un an après la mort du docteur Molle, Oran et Sidi Bel Abbès éliront encore des députés qui se proclament d'abord anti-juifs, par exemple Michel Pares qui se mettra au service de Mussolini.

Avec la montée de la crise économique, l'antisémitisme un peu assoupi se réveille ; "Le Petit Oranais" retrouve son ton furieux ; d'immenses croix gammées peintes au goudron apparaissent sur le mur des édifices d'Oran. Les établissements Juan Bastos ornent leurs cahiers de papiers à cigarettes de 12 croix gammées sans qu'on puisse dire s'il s'agit d'un manifeste politique ou d'un sens publicitaire dévoyé. La crise économique est toujours fort préoccupante et, le 17 décembre 1933, " Oran Matin" note : " Babouchiers, cordonniers, brodeurs n'ont plus rien à faire ; tous se promènent dans les rues offrant le triste spectacle du chômage et de ses funestes conséquences. " Le Maire, quant à lui, constate que " des tribus entières de pauvres diables n'ont rien ; tant que durent les figues de Barbarie, ils peuvent vivre ; après, ils en sont réduits à voler. "

La crise viticole des années 34 et 35 favorise la création de fronts paysans et la campagne du Front Populaire sert également de prétexte à une nouvelle et vigoureuse poussée d'antisémitisme.

A Oran, le maire, l'ex-Abbé Lambert, prêche, coiffé du casque colonial et ceint de l'écharpe tricolore, la mobilisation générale contre les juifs et le Front Populaire. Fondateur des "amitiés Lambert", il reprend la politique anti-juive des " unions latines" et désigne le Front Populaire comme une manifestation d'impérialisme juif. Or ce dangereux démagogue, idole de la plèbe oranaise, déchaîne l'enthousiasme à chaque discours . Son buste, vendu 3 francs se trouve dans toutes les maisons oranaises ; c'est paraît-il une précieuse amulette pour les femmes en couches.

Il faudra la loi du 21 avril 1939, réprimant les excitations à la haine raciale pour faire taire provisoirement les anti-juifs d'Algérie.

L'Abbé Lambert avait bâti sa propagande sur ses talents de sourcier, promettant l'eau douce à tous les Oranais. Mais c'est bien après lui que la ville et la région seront alimentées en eau douce. Et, histoire de se rappeler le bon temps, bon nombre d'Oranais ajouteront du sel dans leur tasse de café.

L'Abbé Lambert prêchait aussi l'aide à la " reconquista" , et les élus de droite se feront une gloire d'avoir été les premiers à réclamer la reconnaissance officielle du gouvernement Franco. Pendant que les dirigeants des " Unions latines" ravitaillaient les franquistes en volontaires et en argent, les syndicats d'Oran participaient à la contrebande de guerre et facilitaient les départs des brigades internationales.

Mais à Oran, la vie politique est aussi conditionnée par les journaux et, si le "Petit Oranais" a eu un certain temps un impact certain sur une partie de la population, "L'Echo d'Oran" fut le journal le plus important. C'est le plus ancien et le plus diffusé : 80 000 exemplaires en 1936, 93 500 en 1938 et 120 000 dans les années 60. Il cessera d'exister en 1963. Fondé en 1844 - le numéro 0 est du samedi 5 octobre 1844 - par Adolphe Perrier, un imprimeur lorrain banni par Louis-Philippe pour avoir exprimé des sentiments trop républicains, ce journal paraissait tous les samedis et se qualifiait "d'organe d'annonces judiciaires, administratives et commerciales" .

Il affiche entre les deux guerres les opinions d'une droite modérée. A partir de 1945, il est dirigé par Pierre Laffont, arrière petit-fils du fondateur. Né en 1913, député en 1958, c'est un libéral modéré. L'Echo d'Oran est le journal des européens et des musulmans acquis aux européens.

LES TRADITIONS

Dans les vieux quartiers de la Marine, à la saison chaude, si les chaussées et les magasins sont déserts aux longues heures de la méridienne, les chaises occupent les trottoirs dès la tombée de la nuit. On va prendre le frais sur les falaises bordées de palmiers du front de mer.

Mais c'est à Pâques et à l'Ascension que la fiesta prend tout son sens.

"La Mouna" est surtout la fête du printemps et l'exode du citadin vers les rares coins de verdure des environs ; la source Noiseux pour les piétons, les pinèdes de Canastel, de la Montagne des Lions ou M'sila pour les motorisés. Pour les chrétiens, c'est le moment d'honorer la Vierge de Misserghin. Plus qu'un gros village,; Misserghin est une immense jardin d'orangers. C'est le berceau de la clémentine, cette variété de mandarine à la peau plus fine et plus rouge et à la chair ferme et sucrée. C'est là que l'abbé Clément la créa à la suite de longues recherches et de greffes heureuses de bigaradiers. Et, au bout d'un ravin embaumé par les fragrances des agrumes en fleurs, s'ouvre une grotte, reproduction de celle de Lourdes, avec ses béquilles, ses corsets orthopédiques et d'autres vestiges de miraculés reconnaissants.

Le plat du jour est, soit le riz à l'espagnole, soit le "gaspacho", qui est un épais et succulent ragoût de porc, de gibier ou de volaille servi sur une immense fougasse ou "coca" . C'est au dessert qu'apparaît l'événement tant attendu : la "Mouna", pâtisserie briochée surmontée d'oeufs coloriés.

L'origine de cette Mouna est peu connue : Au 16ème siècle, les rois d'Espagne envoyaient dans leurs présidios africains (Ceuta, Malilla ou Oran) ceux de leurs courtisans qui s'étaient rendus indésirables à l'Escurial. Ces présidios ou places fortes avaient leur Bastille . Celle d'Oran se trouvait sur un pennon rocheux, à cheval sur la rade de Mers El Kébir . Parce que les singes ("monos" en espagnol) y étaient aussi nombreux qu'à Gibraltar, cette roche et la forteresse qui s'y dressait portait le nom de la mona. Ce fut ensuite le fort Lamoune, siège de l'Amirauté jusqu'en 1962. Une seule fois l'an, le dimanche de Pâques après la communion, les déportés avaient le droit d'apercevoir leurs famille qui résidaient tout près de là, dans le quartier de la Blanca, en bordure de l'enceinte de la casbah.

Les parents se réunissaient au pied des murs et faisaient passer aux prisonniers, au bout de longues perches, un gros gâteau préparé pour la circonstance et que depuis on continue à appeler la "Mouna".

En échange, les prisonniers embastillés faisaient descendre des plaques de tôle sur lesquelles ils avaient fait cuire une purée de farine de pois chiches, leur maigre pitance toute l'année. Cette espèce de flan de prisonnier devait se manger très chaud car il durcissait en refroidissant . On l'appelait la "calentica" (de "caliente" chaud, en espagnol). La calentica, vendue par des marchands ambulants, est restée longtemps le plat du pauvre.

Le jeudi de l'Ascension, les catholiques honoraient la vierge de Santa Cruz. Cette vierge a une histoire : En 1849, la population, alarmée par une longue période de sécheresse et une épidémie de choléra, adresse une supplique au général Pelissier commandant la Garnison. Chacun pensait en effet, que seule une forte pluie pouvait les débarrasser de la maladie. Dans le village nègre, un taureau avait été sacrifié dans le tintamarre agaçant des castagnettes et le tam-tam assourdissant des tambourins. Mais le ciel restait obstinément clair.

C'est alors que les Espagnols proposèrent de monter nu-pieds, sur les genoux pour les plus courageux, jusqu'au château fort que le marquis de Santa Cruz avait fait bâtir tout au sommet du djebel Murdjadjo. Avec la bénédiction bourrue du général Pelissier, les pèlerins escaladèrent les flancs arides de la colline dominant le petit port de la Calère, portant sur leurs robustes épaules une statue de la Vierge qui fut déposée au pied du fort, à l'endroit ou un promontoire rocheux permet d'embrasser un magnifique panorama.

La plaque commémorative signale : "dédiée à la vierge Notre Dame du Salut après l'épidémie de choléra de 1849. Inauguration le 9 mai 1850 par Monseigneur Pavy, évêque d'Alger. La statue a été mise en place sur la tour le 6 décembre 1873."

Des cierges brûlèrent par centaines, des prières furent dites à l'intention de Notre Dame de Santa Cruz et le lendemain, la pluie tomba. Telle est la légende qui est à l'origine de la patronne des Oranais qui lui dédièrent une chapelle, puis une basilique, inaugurée en 1950 par le cardinal Roncalli, le futur Jean XXIII.

Repliés en métropole, les Oranais n'eurent qu'une pensée : Faire revenir leur protectrice auprès d'eux. Et, tandis que le Monument aux Morts d'Oran était transféré à Lyon, quartier de la Duchère (Avenue Balmont), Notre Dame de Santa Cruz recevait l'hospitalité de l'humble église de Courbessac, près de Nîmes.

LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE ET L'OPERATION TORCH

Le 19 juin 1940, l'armistice est signé entre l'Allemagne et la France. Le 17 juin, Pétain avait formé son gouvernement. L'armistice qui ampute la France de sa capitale et des deux tiers de son territoire lui laisse le contrôle de ses colonies et des protectorats.

Les Français d'Afrique du Nord sont en général solidaires de la politique du Maréchal Pétain. Ils voient en lui le héros de la Grande Guerre. Cette auréole ne manque pas d'aggraver la situation des Juifs d'Afrique du Nord . La population musulmane ne peut que baigner dans l'ambiance ouvertement collaboratrice qui prévaut ici.

C'est de sa libre initiative, sans y être contraint par des pressions allemandes que Vichy promulgue les lois raciales de 1940 et abroge le décret Crémieux. Les lois anti-juives de cette époque sont d'inspiration française. La notion de race est même étendu à certaines catégories de juifs épargnés par les lois de Nuremberg.

En mars 1941, le Commissariat aux Affaires Juives est chargé de l'application des lois raciales avec pour mission d'éliminer l'influence juive de tous les domaines de la vie publique. Ces lois visent à l'élimination physique des Juifs autant qu'à l'effacement de l'influence culturelle du judaïsme. Aux yeux des antisémites, il ne s'agit rien de moins que de défendre la race française contre l'invasion juive. Les Juifs algériens perdent leur citoyenneté et ne peuvent plus l'obtenir, à moins d'être titulaires de décorations décernées durant la première Guerre Mondiale.

Les Juifs sont alors exclus des professions d'avocats, de médecins, du domaine des assurances, des transactions immobilières et de l'enseignement, à l'exception des écoles confessionnelles et de celles de l'Alliance Israélite Universelle. En août 1941, le nombre d'étudiants juifs est limité à 3% . Pour le second degré, il est de 7% en 1942-43. Les juifs sont également exclus des Organisations de Jeunesse.

Pour faire face à l'épreuve, sous la direction du rabbin Eisenbeth, dès le 9 janvier 1941 est créé un comité d'études, d'aide et d'assistance. Des écoles privées sont ouvertes pour accueillir les élèves exclus de l'enseignement public. A Oran, André Bénichou, professeur de philosophie, contacte des enseignants juifs et non-juifs. Il demande à son ami Albert Camus d'assurer des cours de français. C'est pendant cette période que le grand écrivain situe " La Peste ".

Le 20 janvier 1942, la solution finale est décidée à la conférence de Wandsee.

Les Juifs d'Algérie font alors connaissance des camps de travail, très efficaces aux yeux des agents de la Gestapo qui les visitent au début de 1942. Il semble même que le Gouverneur Général d'Algérie, Chatel, aurait préparé des étoiles jaunes pour distinguer les juifs désormais voués au programme de la "solution finale".

Face à cette situation, les juifs comprennent vite qu'ils n'ont pas d'autre possibilité que de résister et ils s'organisent aux côtés de la Résistance, née de l'appel du Général de Gaulle. A Oran, un groupe d'universitaires crée un réseau dirigé par les frères Pierre et Roger Carcassonne auxquels se joignent Henri de la Vigerie et le Père Cordier. A la fin de 1942, la Résistance en Algérie est suffisamment forte pour avoir une influence décisive sur le cours de événements. Elle va décider les USA à libérer l'Afrique du Nord.

Depuis août 1942, les Anglais préparent "L'Opération TORCH"; cette opération prévoit d'attaquer les Allemands sur leurs arrières tandis que la Résistance française doit les harceler. Le Commandement des Armées alliées s'installe à Gibraltar, tandis que le Commandement de la Résistance est au domicile du professeur Aboulker, 26 rue Michelet à Alger.

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, les résistants sont à leur poste. Si à Alger tout se passe bien, si les pertes y sont minimes, il n'en va pas de même à Oran.

Les Américains, débarqués à Arzew et sur la plage des Andalouses, doivent faire face aux armées vichystes . Les combats sont durs sur la route de la Sénia, sur le Murdjadjo, à St Cloud et à Aïn El Turck. Ce n'est que le 10 novembre 1942 à 11h21 qu'Oran capitule.

La résistance de la ville coûtait 243 morts à la Marine, 94 à l'Armée et 10 à l'Aviation française de Vichy. Les forces terrestres américaines avaient perdu 276 d'entre eux.

Pour beaucoup de Français, l'Algérie d'avant 1939 était une colonie. Le rôle que ce pays fut appelé à jouer après le débarquement, l'importance de la participation des combattants pieds noirs et musulmans aux côtés de leurs camarades évadés de France contribueraient à modifier l'opinion.

Sur l'initiative du Président René Cassin, le 20 octobre 1943, le décret Crémieux est remis en vigueur.

Certains soldats juifs et non juifs sont alors incorporés dans l'armée de de Lattre de Tassigny. Ils y servent dans des régiments de défense antiaérienne ou dans l'infanterie coloniale et débarquent en Corse et à Toulon d'où ils remonteront jusqu'en Allemagne. Les autres partent avec le général Juin pour Monte Cassino où bien des soldats mourront au combat sans distinction de race ou de religion.

On ne peut parler d'Oran et ignorer Mers El Kébir La première forteresse fut construite par les Maures au temps de leur domination en Espagne. Les sultans de Tlemcen y firent bâtir au XVème siècle une petite ville qui, après la chute de Grenade devint un nid de forbans. Occupée par les Portugais, elle tombe le 23 octobre 1505 aux mains des Espagnols, fut détruite plusieurs fois, reconstruite, presque ruinée à nouveau. Le fort actuel date de 1748. Occupée dès le 24 juillet 1830 par le capitaine Leblanc, commandant le brick " Le Dragon ", Mers El Kébir devient une ville française le 14 décembre 1830.

Dès lors son histoire se confond avec celle d'Oran. Toutefois, il n'est pas possible de parler de Mers El Kébir sans évoquer la triste affaire du 3 juillet 1940. Ce jour-là, une escadre britannique se présente devant la ville et somme l'amiral Gensoul, commandant de la flotte de l'Atlantique, soit de rallier, soit de se saborder. La méfiance de Churchill, qui n'avait pas voulu courir le risque de voir la flotte française grossir les forces de ses ennemis, allait causer la mort de 1297 marins français et la perte de trois cuirassés: Le Dunkerque, le Provence et le Bretagne. Seul, le Strasbourg atteindra Toulon le lendemain. Mers El Kébir provoque le retournement instantané de toute la marine française, pro-anglaise à 100% jusque là.

Après la deuxième guerre mondiale, elle devient une base navale très active aux installations souterraines importantes. C'est une petite ville française de 8 000 habitants. Concédée par bail à la France pour une durée de 15 ans, elle est définitivement évacuée en 1968.

En partant de Mers El Kébir, la route de la corniche oranaise traverse, 3 kms avant Oran, les Bains de la Reine, un petit établissement thermal. Cette source était connue des arabes bien avant l'occupation d'Oran par les Espagnols. D'après la légende, une source aurait jailli sur l'invocation de Sidi Dedeyeb. A la prise d'Oran, le Cardinal Cisneros fit usage de ces eaux. Adoptées par la noblesse espagnole, elles doivent leur nom aux visites répétées de Jeanne la Folle, fille d'Isabelle la Catholique. Ce sont des eaux chlorurées, sodiques, bromurées, d'une température de 55 degrés.

Nous entrons dans Oran par le vieux port et les vieux quartiers de la Marine. Entre les douanes et l'arsenal, empruntons la rue basse d'Orléans, puis à droite la rue Matelot Landini, vieille rue voûtée typique de ce vieux quartier espagnol. Elle rejoint la rue de l'arsenal juste au pied de la cathédrale Saint Louis.

Cette église a une histoire que racontent deux plaques commémoratives, apposées sur la façade. Ses transformations successives retracent et symbolisent le sort des juifs oranais jusqu'à la conquête française. En arrivant à Oran en 1509, les Espagnols ont trouvé deux mosquées: l'une deviendra l'église de Santiago Saint Jacques, l'autre construite avec les matériaux d'une chapelle du couvent des moines de l'ordre de Saint Bernard avait d'abord été une synagogue. Elle deviendra l'église espagnole de Sainte Marie ainsi qu'en témoigne le docteur Thomas Shaw qui visite Oran en 1730.

De 1708 à 1732, elle redevient une synagogue. De nouveau une église en 1732, elle est abandonnée à partir de 1792 et tombe en ruines. Réédifiée, elle devient une aumônerie militaire le 25 décembre 1833, puis une paroisse sous le vocable de Saint Louis en décembre 1838. Elle est érigée en cathédrale le 25 juillet 1866. Elle renferme les tombeaux des évêques d'Oran.

Par la place Kléber, la place de l'ancienne Préfecture et la rue Philippe, nous allons passer devant la mosquée du Pacha. Elle fut construite sur les ordres du Dey d'Alger, suzerain d'Oran vers 1735 en mémoire de l'expulsion des Espagnols et avec l'argent provenant du rachat des esclaves chrétiens.

Dans la courette propre et paisible, la fameuse fontaine de marbre, délicate production de l'art arabe que l'ange Gabriel (prétendent les fidèles) rapporta d'Espagne après le départ des Maures. Le minaret que l'on aperçoit du belvédère, rue de la Mosquée, est de plan octogonal, d'un modèle unique.

En traversant les jardins du Château Neuf, nous admirons la magnifique promenade, créée en 1836 par le Général de Létang, qui porte son nom et d'où l'on jouit d'un superbe panorama. Elle est plantée de palmiers, de ficus, de bellombres, de pins et de platanes. Chaque année un critérium est organisé dans les jardins.

La porte du Caravansérail rappelle que le premier hôpital civil construit par les Français devait être un abri pour les caravanes arrivant du sud.

Nous voici place Maréchal Foch. L'ancienne Place d'Armes est la cour de la vieille ville moderne. Elle est plantée de beaux palmiers et ornée de la colonne commémorative du combat de Sidi Brahim avec deux statues en bronze de Dalou (1898). Au bas de la colonne, la France inscrivant le nom de ses héros, au sommet, la gloire apportant des palmes. En 1845, à la Koubat de Sidi Brahim (tombeau d'un marabout vénéré), un détachement de chasseurs d'Orléans y tint glorieusement tête à un ennemi 20 fois supérieur en nombre.

Sur le côté sud de la place, l'Hôtel de Ville. Construit de 1882 à 1886, on y accède par un large escalier orné de deux lions en bronze du sculpteur Auguste Caïn (1822-1894), né à Paris, sculpteur animalier élève de Rude. On raconte que la nuit, ces lions descendent l'un après l'autre de leur socle et tournent silencieusement autour de la place en levant la patte contre les palmiers.

A l'intérieur, les superbes rampes sont en onyx d'Algérie, extrait des carrières de marbre toutes proches.

A l'ouest de la même place, le théâtre. C'est un élégant monument de style composite, construit en 1908-1909. La façade est flanquée de deux tours couronnées de coupoles dorées entre lesquelles se trouve un groupe sculpté par Fulconis.

Par le boulevard Sébastopol et la rue Paul Doumer, nous arrivons au Musée. Sa création est due au zèle du Commandant Demaeght à qui il a emprunté son nom.

Le rez-de-chaussée est occupé par des bas-reliefs, des fragments d'architecture et des inscriptions provenant de Saint-Leu, Arbal, Aïn-Temouchent et Lamoricière. Au premier étage sont les résultats des fouilles préhistoriques effectuées dans la région et au deuxième étage, des tableaux et des gravures avec entre autres un bronze de Valeton représentant un tigre et une tigresse.

Par le collège Ardaillon, nous allons, soit au cimetière israélite, soit au parc municipal des sports. Oran a toujours été une ville où toutes les disciplines étaient pratiquées avec une égale réussite. La natation y a formé le recordman du monde Alain Gottvallés et au tennis, la championne Françoise Durr y a fait ses premières armes.

Les jardins du parc municipal offrent un cadre accueillant et délassant. Les lacs artificiels où glissent des cygnes dispensent une fraîcheur bienfaisante.

A l'angle du boulevard Galliéni et de la rue El Moungar, voici la Banque de l'Algérie et la rue Ampère. Le boulevard Galliéni est l'ancien boulevard du lycée, car tout au bout se trouve le lycée Lamoricière., un lycée de garçons avec son propre monument aux morts.

Lorsque le 11 novembre 1957, Robert Lacoste décidera de résilier les sursis des étudiants pour décapiter la toute puissante Association Générale des Etudiants, les étudiants du lycée Ardaillon, du lycée Lamoricière, du lycée de jeunes filles Stéphane Gsell (proche du palais de justice, avec son internat important et très sévère), les étudiants, donc, organisèrent un meeting monstre à la Maison de l'Agriculture, la Maison du Planteur ou Maison du Colon.

Ces étudiants adhérèrent en masse à l'AGELCA (Association Générale des Lycées et Collèges de l'Algérie). Ils lancèrent une édition régionale du " Bahut ", leur journal qui se voulait indépendant et organisèrent des visites dans les hôpitaux.

En 1920, 302 classes seulement étaient ouvertes. En 1962, plus de 1 100 classes étaient répertoriées, partagées en 37 écoles de garçons dont 1 d'apprentissage, 36 écoles de filles et 15 écoles maternelles. L'enseignement secondaire comptait 5 établissements et un indice de fréquentation de 32 700 élèves. Deux écoles normales préparaient les instituteurs et institutrices tandis que 15 établissements privés préparaient aux écoles terminales.

La Grande Mosquée : Restaurée sous Napoléon III, son minaret carré domine toute la ville basse. Elle a aussi sa légende: bâtie sur l'emplacement d'un marais, elle nécessita d'importantes fouilles car Allah voulait que sa profondeur égale la hauteur d'un minaret pour montrer aux fidèles que l'âme peut s'élever aussi haut qu'elle peut tomber bas dans la fange.

LA GUERRE ET LE DEPART

Le 1er novembre 1954, à 1 h 15 du matin , le F.L.N. frappe les trois coups du drame qui commence. La veille, le divisionnaire Lajeunesse est arrivé chez le Préfet d'Alger Vaujour, Directeur de la Sûreté. Il est venu spécialement d'Oran, porteur d'une boîte de conserve au couvercle soudé et percé d'une mèche : la première bombe.

On est préoccupé, mais personne ne veut croire à une insurrection. Pourtant ce soir du 1er novembre 1954, le destin d'un million et demi de Français vient d'être scellé.

François Quillici, député d'Oran, s'informe de l'enseignement que le Gouvernement entend tirer quant à sa politique nord-africaine, des événements tragiques qui ont fait entrer les départements algériens dans le cycle du terrorisme. La réponse sera peut-être la nomination au poste de gouverneur général de l'Algérie de Jacques Soustelle.

Le 3 avril 1955, par 394 voix contre 212, le Parlement français vote la loi sur l'état d'urgence, c'est à dire l'organisation de la nation en temps de guerre et l'augmentation de la compétence des tribunaux militaires.

Le docteur Sid Cara, député d'Oran, se scandalise qu'après tant d'atermoiements, le gouvernement offre l'état d'urgence en fait de réformes.

A Aziz Kessous, socialiste algérien, Albert Camus écrit à la même époque, en 1955 : Le fait français ne peut être éliminé en Algérie et le rêve d'une disparition subite de la France est puéril. Mais inversement, il n'y a pas de raison non plus que 9 millions d'arabes vivent sur leur terre comme des hommes oubliés.

A la fin de 1955, Oran n'est qu'à peine un département en guerre : Aucune modification n'a été apportée à l'organisation et à la répartition des moyens de défense. Lorsque débute l'insurrection algérienne, la municipalité dirigée par Fouques-Duparc, vient d'inaugurer un " boulevard du Front de Mer ", longue jetée de 5 kms qui donne à la capitale de l'ouest algérien une ouverture vers le large.

1956 : La vague de terrorisme déclenchée en Oranie et qui commence à déferler sur tout l'ouest algérien a pour but essentiel de faire basculer les populations musulmanes dans la rébellion. Le point de départ est la mort, à Tlemcen, du docteur Ben Zerdjeb, considéré comme un des chefs du F.L.N. Arrêté à la mi-janvier 1956, il tente de s'évader pendant son transfert de Tlemcen à Sebdou et est abattu par les gendarmes. Des émeutes marquent ses obsèques.

Différents mouvements se créent, comme " Fraternité Algérienne " qui groupe notamment de nombreux médecins européens, ou " l'association des maires d'Oranie " qui déclare " qu' ils se dresseront résolument contre toute action directe ou indirecte qui tendrait à la sécession de l'Algérie. "

En février 1956, le F.L.N. lance un mot d'ordre de grève. A Oran, ce sont les dockers, en grande majorité musulmans, constitués en un puissant syndicat affilié à la C.G.T., qui donne le départ du mouvement le 2 février et décide de se rendre en cortège de la ville arabe jusqu'à la Préfecture.

La foule qui les accompagne veut tout casser sur son passage. Les vitrines volent en éclats, des voitures sont renversées et incendiées. En ville nouvelle (l'ancien village nègre), toutes les boutiques ont fermé leurs portes et la population s'est enfermée dans ses logements. Mais les rares européens qui vivent dans ce quartier, surtout des Français de confession israélite, verront leurs magasins pillés, surtout si ce sont des bijouteries ou des magasins de vêtements.

Des coups de feu partent des terrasses. Les Tirailleurs Algériens sont consignés sont consignés dans leur caserne et ce sont les C.R.S. qui doivent intervenir.

D'autres émeutes ont éclaté dans les quartiers à forte densité musulmane: Lamure, Lyautey, Médioni...

En début d'après-midi, les manifestants arrivent à hauteur de la synagogue, tout en continuant à saccager boutiques et bars, s'acharnant particulièrement sur les magasins appartenant aux juifs. En fin de journée, les émeutiers regagnent leurs quartiers, mais l'agitation se poursuit le lendemain. Un premier bilan donne 1 mort, 8 blessés, 28 véhicules brûlés ou endommagés et une vingtaine de magasins saccagés et incendiés.

Dès lors, la ville arabe va vivre repliée sur elle-même, presqu'entièrement coupée de la ville européenne par un réseau de barbelés que le Préfet Lambert a fait établir au débouché de chaque rue. Durant toute l'année 1957, l'Oranie en général et Oran en particulier est à peu près calme. La vie continue. La guerre ne ralentit nullement l'essor de l'économie oranaise.

1958 : Le 15 avril, en France le Gouvernement Félix Gaillard est renversé.

Le 13 mai 1958, Oran se réveille dans une atmosphère de fièvre, les nerfs à fleur de peau. En début d'après-midi tombent à chaud les premiers appels de la radio : Alger est dans la rue. Les Oranais sont invités à les imiter.

Vers 18 h, la ville semble morte. Les Oranais sont à la place des Victoires, au square du Souvenir.

Le 14 mai, les Oranais se lèvent avec le soleil. Chacun se pose des questions: du préfet Lambert au maire Fouques-Duparc, en passant par les commandants Carlin et Charbonnel, ou le colonel Yéménitz qui commande les unités territoriales. Dans l'après-midi, rassemblés par milliers au stade Fouques Duparc, les Oranais vont descendre investir la Préfecture. La foule est si nombreuse qu'elle fait écrouler les escaliers du premier plan. Il y eut des blessés. Le préfet Lambert est transféré au Château Neuf avant de rejoindre la Métropole.

Le général Réthoré assume les pouvoirs civils et militaires. Le 15 mai, le général Massu envoie à Oran, le colonel Trinquier pour y installer le comité de salut public.

Le 6 juin, de Gaulle est à Oran, place du Champ de Manoeuvres. Il s'adresse à la foule dans une atmosphère plus réticente qu'à Alger. Il avait d'abord refusé de voir les membres du comité de salut public, bêtes noires du maire Fouques Duparc. C'est à Oran que va circuler le premier tract anti-gaulliste.

1959 : Le 21 avril, Michel Debré est à Oran. Il flétrit la lâcheté des terroristes. Le 29 avril, le général de Gaulle accorde un entretien à Pierre Laffont, directeur de l'Echo d'Oran. Il y prononce le mot d'intégration et la fameuse formule: " L'Algérie de papa est morte. Si on ne le comprend pas, on mourra avec elle. " Le 16 septembre le général de Gaulle fait son discours sur l'autodétermination du peuple algérien.

1960 : Le 24 janvier, Villeneuve, conseiller municipal d'Oran, élu sur une liste " Union du 13 mai " invite les Oranais à dresser leurs premières barricades et à déclencher dès le lendemain matin une grève générale illimitée. Le lendemain à midi, le mot d'ordre est suivi dans toute sa rigueur. Le comité de vigilance s'installe dans l'appartement de madame Campredon à l'angle de l'avenue Loubet et de la rue Leclerc. Il comprend le docteur Laborde, messieurs Robert Tabarot, Christian Conessa et Raymond Rosello.

La principale barricade dressée d'un trottoir à l'autre de la rue Leclerc reçoit la visite d'Achille Zavatta et de sa femme de passage à Oran.

Dans les jours qui suivent, les animateurs de ces barricades sont expulsés d'Algérie. Ils ne devaient plus y revenir.

En février 1960, à Azziz, petit village de la Kabylie, le général de Gaulle annonce que " l'Algérie sera Algérienne ".

C'est à la fin de l'année 1960 que les juifs commencent à sentir leur destin basculer. Jusque là ils se considéraient liés à jamais à la terre algérienne. Mais quand le F.L.N. décide d'élargir ses opérations militaires aux grandes villes, il s'attaque à la grande Synagogue d'Alger, complètement saccagée le 12 décembre et au cimetière juif d'Oran qu'il profane. C'est le début d'une angoisse de l'avenir que l'O.A.S. va exploiter.

Au début de 1961, Lagaillarde, réfugié à Madrid, contacte un ancien journaliste de l'Echo d'Oran, Tassou Georgopoulos, propriétaire du "Café Riche", place Villebois Mareuil, sergent-chef dans les armées territoriales, en vue de la création d'une armée secrète. Ce dernier s'adjoint Georges Gonzalès, propriétaire d'un garage et Robert Tabarot, ancien boxeur et neveu du créateur d' " Oran Républicain ".

Le général Jouhaud avait été pressenti pour prendre la direction de l'O.A.S. en Oranie. Ce général d'aviation à 5 étoiles, grand officier de la Légion d'Honneur, titulaire, était né le 2 avril 1905 à Bou Sfer. En fait, au dernier moment, c'est le général de brigade Gardy qui en prendra le commandement, puis les envoyés du général Calle.

C'est par la radio que les Oranais apprennent le Putsch, très tôt le samedi 22 avril. Le mardi suivant, la partie est jouée et perdue. Mais cet épisode de quatre jours que les Oranais n'ont pas prévu, va les inciter à se regrouper dans leurs organisations clandestines.

Jouhaud qui a opté lui aussi pour la clandestinité, arrive à Oran le 20 août suivant pour prendre le commandement du secteur sous le nom de Louis Gerber. Il se fera assister de Charles Micheletti et de son fils Jean-Marie.

Le 27 août 1961, les premiers drapeaux frappés au sigle de l'O.A.S. apparaissent sur les cabanons de la plage d'Oued Hallouf près d'Aïn Témouchent.

Le couvre-feu est décrété à 21 heures à la suite de nombreux attentats. La ville est partagée en deux. Le F.L.N. contrôle les 180 000 musulmans de la ville nouvelle, des faubourgs Médioni, Lamure et Petit Lac sur lesquels flotte le drapeau vert. l'O.A.S. contrôle les quartiers du Centre, Gambetta, Eckmühl, Saint-Eugène et la Marine.

L'année 1961 se termine par un appel à la mobilisation générale des populations d'Algérie.

Le début de l'année 1962 est marqué par une recrudescence des attentats et une opération terre brûlée: Les dépôts d'essence du port sont incendiés. Les combats de rues se déchaînent, les plasticages nocturnes se multiplient : jusqu'à 45 en une seule nuit.

Le 19 mars un cessez-le-feu intervient. Il ne dure qu'une journée. Dès le lendemain, les accrochages reprennent: 20 morts pour cette seule journée.

Le dimanche 25 mars 1962, le général Jouhaud est arrêté, boulevard Front de Mer dans l'immeuble "Le Panoramic", au 8ème étage, alors qu'il déjeunait chez ses amis Raymond. Les Oranais sentent venir la fin.

Fin juin 1962, Oran est devenue la ville de "La Peste" que Camus décrivait: Les ordures s'amoncellent au milieu de la rue, les téléphones sont coupés, les magasins éventrés vomissent leurs débris sur le trottoir, les petites rues en pente, vidées de leurs habitants dégagent une odeur sans nom.

Le lundi 25 juin 1962, à 17 h 45, l'O.A.S. tire au bazooka dans les cuves de mazout de la British Petroleum, dans le port d'Oran : Vision dantesque de flammes qui montent à plus de 150 m. Dans certains quartiers, il fait presque nuit, et cette "éclipse" dure deux jours.

Le 27 juin à 19 heures, c'est l'arrêt des émissions de " Radio OAS ".

L'agonie de l'Algérie Française va se terminer à Oran par la tuerie du 5 juillet. Ce jour-là, une fusillade éclate, déclenchée par des " éléments irresponsables ", diront les Autorités algériennes. Une vague de folie meurtrière part des faubourgs musulmans vers les quartiers européens. Les victimes sont retrouvées pendues aux crochets des abattoirs de la ville ou jetées à la décharge publique du Petit Lac. Un bilan officiel reconnaîtra 101 morts dont 25 européens et 163 blessés. Mais ces chiffres sont loin de refléter la triste réalité : plusieurs milliers de personnes enlevées à leur domicile ou sur leur lieu de travail n'ont jamais été retrouvées. Monsieur Jean de Broglie a admis le chiffre de 3000 disparus. On ignore encore à ce jour ce qu'elles ont pu devenir.

Des paroles de regret seront prononcées par le nouveau préfet de la Wilaya, Souiah Abdelkader qui donnera l'ordre d'arrêter les meneurs et les présentera à la Presse avant d'ordonner leur comparution devant un tribunal de l'A.L.N.

Ce fut alors le grand départ et le début du lamentable exode d'un million et demi de Français d'Algérie.

1 380 000 personnes arrivèrent en France dont 17 000 en Corse, 50 000 arrivèrent en Espagne, 12 000 émigrèrent au Canada, 10 000 rentrèrent en Israël et 1 550 personnes se retrouvèrent en Argentine.

30 000 personnes seulement restèrent en Algérie sur cette terre qui les avait vu naître, où leurs parents étaient enterrés et où ils voulaient mourir.

ORAN APRES LES FRANCAIS

Aujourd'hui Oran est devenu Wahran.

En 1984, c'était une ville de 890 000 habitants (400 000 en 1960).

Cependant, en arrivant en avion, première surprise : pas de bateaux dans le port. La crise du logement y sévit comme dans toutes les grandes villes d'Algérie. Le parc hérité en 1962 et dont 27% provenait des biens vacants abandonnés par la population française, constituait encore en 1977 les ¾ de l'habitat, pour une population qui s'était accrue de 44%. Le taux d'occupation était supérieur à 3 personnes par pièce. C'est ce qui explique le vieillissement de la ville, à l'exemple de cette Maison Darmon qui n'a plus rien à voir avec le commerce vivant et grouillant de monde que nous avons connu.

Si la scolarisation a doublé, l'effectif du cycle primaire, le nombre des lits d'hôpital est toujours très insuffisant (1 médecin pour 800 habitants à Oran).

Des étudiants se sont affronté aux forces de l'Ordre à plusieurs reprises. En 1982, des lycéens avaient entraîné avec eux dans leur sillage, les laissés pour compte du système scolaire au point de transformer ces manifestations en émeutes.

Un bon nombre de rues et de places ont changé de nom : la Maison du Colon n'est plus place Karguentah, mais place Zeddour Brahim El Kacem et le boulevard Galliéni où se trouve le lycée Lamoricière est devenu la rue Ameur Brahim, tandis que la place de la Bastille devenait celle du Maghreb. La préfecture, construite peu de temps avant l'indépendance est devenue Willaya. Endommagée à ce moment, il a fallu quelques années pour la réparer. Depuis 30 ans, l'Etat algérien est devenu le premier employeur, le premier investisseur, le premier producteur et le premier commerçant. Il s'est fait reconnaître le statut de grand entrepreneur et de grand distributeur. Il détient le monopole en matière idéologique et culturel.

La place du 1er novembre 1954, ancienne place Maréchal Foch, ancienne Place d'Armes a encore belle allure avec ses illuminations et ses massifs entretenus avec soin. C'est le lieu de promenade favori des musulmanes et des chômeurs. Mais notons que certaines plaques de rues n'ont pas été changées . Celle de la Place Maréchal Foch était toujours là en 1980.

La colonne Sidi Brahim est devenue un monument à la gloire d'Abd El Kader. Des plaques de marbre masquent les noms de nos héros et la citation de Dutertre : " Camarades, défendons-nous jusqu'à la mort " a disparu. Une plaque avec le portrait d'Abd El Kader les remplace.

La Mairie avait subi d'importants dommages, juste avant l'Indépendance. Elle a été réparée et reste aujourd'hui aussi majestueuse avec ses lions. Espérons qu'aujourd'hui, par dépit, ils ne vont plus se promener sur la place.

Le boulevard Joffre se dirigeant vers le faubourg St Antoine est devenu boulevard Maata Mohamed El Habib. C'est sur ce boulevard que se trouve la grande synagogue d'Oran, construite à l'initiative de Simon Kanoui à partir de 1880. Par ses lignes de style judéo-arabe, elle évoque son grand passé biblique. C'est aujourd'hui une mosquée : Le croissant a remplacé l'étoile de David. L'horloge appelle les fidèles à la prière.

Le musée a été fermé un certain temps, mais aujourd'hui il est de nouveau ouvert au public. Sa bibliothèque contient 29 000 volumes et 3 manuscrits arabes. Elle occupe l'aile droite du bâtiment.

Le théâtre dit " National Algérien " est toujours aussi imposant.

Le théâtre de verdure, situé anciennement rampe Valès, aujourd'hui rampe du commandant Ferradf, ne produit que quelques spectacles et seulement l'été.

La cathédrale a perdu sa statue de Jeanne d'Arc. Celle-ci a été rapatriée après l'indépendance à Caen. La place est devenue celle de la Kahéna. On peut souligner l'incongruité d'une telle appellation puisque la Kahéna symbolise la résistance à l'invasion arabe. Selon la tradition, en effet, la Kahéna, reine des Berbères de l'Aurès était juive. Elle résista 5 ans aux assauts des troupes arabes avant d'être tuée en 698. Ce fut sa mort qui donna le signal de la reddition des tribus berbères judaïsantes.

La rue de Gènes est toujours cette rue en escaliers. Aujourd'hui, elle ne rejoint plus la rue Philippe, mais la rue Bénamara Boutkhil.

La cathédrale Saint Louis dans les années 80 abritait une école de couture et servait de logement à une famille musulmane. Aujourd'hui, soit la malveillance et le manque d'entretien, mais plutôt les mouvements du terrain l'ont fait disparaître.

La gare des chemins de fer algériens est sur le boulevard " Mellah Ali " dit "Colonel Chérif ". C'est l'ancien boulevard Marceau. La place est très animée.

Le boulevard Maréchal Leclerc est redevenu rue d'Arzew et est toujours la rue commerçante. La place Villebois Mareuil, c'est maintenant la place Franz Fanon.

Les plages sont pratiquement désertes. A Maraval, les moutons ont repris le terrain et paissent tranquillement dans les champs non cultivés.

Sur un guide récent de l'Algérie, il est dit à propos du Chateau-Neuf : "Après avoir subi différentes restaurations assez malencontreuses, il présente peu d'intérêt "

APPENDICES

La crise antijuive

Les années 1898 à 1900 concentrèrent une série d'événements à caractère révolutionnaire : La crise antijuive. On l'attribue parfois à une réaction contre la naturalisation des juifs algériens, consécutive au décret Crémieux; mais elle constitua aussi une manifestation d'hostilité envers la métropole. Certes l'antisémitisme des Européens d'Algérie était latent, mais il fut exploité par les hommes politiques locaux qui dénonçaient le " monopole " des voix juives ( En Oranie, les voix juives représentaient 15% de l'électorat - plus de 50% à Tlemcen-. Les motivations d'ordre électoral restèrent toujours à l'origine de cet antijudaïsme.)

En juillet 1884, Simon Kanaoui, le " Rothschild d'Oran ", cristallisa cette campagne; des pillages de magasins israélites dégénérèrent en émeutes à Alger. En 1892 le socialiste anarchiste Fernand Grégoire déclarait ouverte la lutte contre les " syndicats judéo-opportunistes ". Des ligues antijuives se formèrent à Constantine et Oran en 1896. En mai 1897 en Oranie, on assista à des décisions arbitraires allant de la révocation des agents de police israélites à l'expulsion de malades juifs soignés dans les hôpitaux.

Les manifestations se succédaient; des effigies de Dreyfus furent brûlées en place publique. Les menées antijuives trouvèrent un porte-parole en la personne d'un étudiant, Max Régis Milano, qui proclama en janvier 1898 " l'heure de la révolution ". L'émeute se propagea. Le gouverneur Louis Lépine, télégraphiait au gouvernement français le 25 janvier : " Passion si violente que malgré les pertes considérables subies à Alger du fait des troubles, la seule chose que la majorité de la population regrette, c'est que les juifs et les représentants de l'autorité n'aient pas souffert davantage. "

En mai 1902, une succession d'agressions sporadiques motiva l'appel lancé à Lyautey qui se vit confier le commandement de la subdivision d'Aïn Sefra (1903-1906), puis celui de la division d'Oran (1906-1910).

L'Afrique agonisante expire dans nos serres.

Là tout un peuple râle et demande à manger.

Famine dans Oran, famine dans Alger.

- Voilà ce que nous fait cette France superbe!

Disent-ils. Ni maïs, ni pain. Ils broutent l'herbe.

Et l'Arabe devient épouvantable et fou.

Victor Hugo.

Quand en octobre 1940, le ministre de l'Intérieur Peyrouton abrogea le décret Crémieux sur la naturalisation des Juifs algériens, il flattait l'antijudaïsme algérien tout en retirant un argument aux Musulmans qui réclamaient l'extension des droits politiques.

C'est en 1943 que le général de Gaulle fait rétablir le décret Crémieux et réintégrer les juifs algériens dans la nationalité française.

[mireille.attias@laposte.net]

 

 

 

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