CHERS CAMARADES BONJOURS.
Pourquoi les juifs d’Afrique du nord et en particulier ceux Maghreb n’ont pas connu le même sort après l’indépendance de chaque pays en question. Pourquoi la loi Crémieux a été appliquée qu’à l’Algérie. Cette question m’a taraudé toujours mon esprit et a été indubitablement le problème de savoir pourquoi et quelles sont les causes. A temps libre et ce depuis trois ans ou presque j’ai pu enfin savoir un peu ou pas beaucoup. Mes sources de lecture ont été des livres (plutôt photocopie de livres) d’une valeur inestimable au yeux de l’histoire, quelques notes prises du web et surtout les précieux témoignages de mes proches qui sont en vie ou qui ont disparus, sans oublier aussi, quelques lectures sur notre intéressant forum. Je me permets avec plaisir de vous faire partager avec modestie la synthèse de mes travaux de recherche ou notes de lectures et réflexions que je soumets à l’avis, aux critiques constructives et à d’autres témoignages précis si possible de l’ensemble des camarades du forum. En rédigeant ma synthèse de mes recherches, et aux certains détails de l’histoire, une question revient toujours : Le pourquoi des causes.
Histoire des Juifs du Maghreb, à nos jours.
Les juifs sont présents sur la terre du Maghreb depuis plusieurs siècles, au moment où les Phéniciens et les hébreux, lancés dans le commerce maritime, fondent Annaba, Tipasa, Cherchell, alger. D’autres juifs arrivent ensuite de Palestine, fuyant les égyptiens d’abord puis Titus (grand exode après la destruction du second temple de Jérusalem en 70 ap.J.-C.). Les premiers, des cohanims(de la tribu de Cohen) sont peut-être ces juifs qui s’installent dans l’île de Djerba dans l’actuelle tunisie. Leurs détendant vivent encore sur l’île et leur synagogue, la Ghriba, fait l’objet, aujourd’hui encore, d’un grand pèlerinage trente-trois jours après la Paque juive. D’autres arrivants se mêlent aux berbères de l’intérieur du pays et les convertissent. Ils forment ainsi des tribus judaïsées, dont l’une sera dirigée quelques siècles plus tard, par la mythique Kahéna, cette femme des Aurès morte les armes à la main à la fin du VIIe siècle, après un combat contre les cavaliers arabes. Bien avant l’arrivée de la religion chrétienne, le Maghreb est donc une terre ou la religion juive est largement représentée. Les conversions massives de tribus berbères au christianisme, puis l’arrivée de l’islam, vont diminuer l’influence du judaïsme sans jamais le supprimer. Composante religieuse minoritaire du Maghreb, les juifs vont traverser cinq siècles d’islamisation sans disparaître. S’ils souffrent sous la dynastie des Almohades (massacre des juifs de Marrakech en 1232), ils continuent néanmoins à vivre sur une terre musulmane qui les tolère car ils font partie des « gens du livre » et l’ennemi est avant tout le chrétien qui vient du nord. Ces juifs berbères vont découvrir plus tard les juifs d’Espagne, les Séfarades, qui fuient au XVe siècle l’Inquisition et emmènent avec aux leur culture raffinée. Signe d’intégration, les juifs vont adopter la langue arabe, alors que certaines tribus berbères musulmanes ne la parlent pas. Profondément enracinés, leur destin magrébin va pourtant basculer avec l’arrivée du colonialisme français.
Lorsque les premiers français débarquent dans la baie de Sidi Fredj(Sidi Ferruch), les juifs d’Algérie sont organisés en « nation ». Leur histoire est donc celle du judaïsme méditerranéen, des juifs espagnols et des judéo arabes, des judéo-berberes, ceux que l’on appelle des « Mustaarazim ». La communauté juive d’Algérie en 1830 compte 25.000 personnes, la plupart très pauvres et vivant dans des conditions exécrables. Toutefois, il ne faut pas confondre ce peuple misérable avec les juifs francs, en particulier ces juifs livournais qui jouissaient, eux, sous la protection d’un consul, de toutes les prérogatives des autres Européens.
Les plans français de conquête d’Alger considéraient les juifs comme de possibles et précieux auxiliaires. Dés 1830, les officiers français en furent convaincus. L’attitude de neutralité adoptée par les juifs pendant la conquête (????), l’exemple de l’assimilation des juifs français lors de la Révolution, l’idée que leurs coreligionnaires de France pourraient avoir une « heureuse » influence sur eux, tout cela amène le gouvernement de Louis-Philippe à prêter une grande attention à la minorité juive d’Algérie et à tenter de l’émanciper la première. La nécessite de soustraire à leurs rabbins (jugés fanatiques, bruyants, illettrés, parce qu’écrivant en hébreu et en arabe) et l’espoir que, placés sous une direction éclairée, ils évolueraient vers la « civilisation » décident le Consistoire israélite de France à demander au gouvernement l’organisation du culte algérien. Ils obtiennent satisfaction. La France colonise l’Algérie, le judaïsme français »colonise » le judaïsme algérien. Une première assimilation se réalise tandis que les musulmans se réfugient dans leurs anciennes institutions. Le 24 octobre 1870, Adolphe Crémieux, ministre de la justice, soumet neuf décrets au Conseil du gouvernement, qui les ratifie. Les plus importants établissent le régime civil et naturalisent en bloc les juifs algériens. Ce « décret Crémieux » sera d’emblée l’objet de vives critiques, de la part notamment des chefs de l’armée. Mais, par lui, la population française d’Algérie s’enrichit de 37 000 nouveaux citoyens. La naturalisation collective des juifs d’Algérie en 1870 bouleverse leur univers : elle les détache de la communauté musulmane de ce pays. L’entrée dans la société française, qui provoque un formidable bond social, ne s’effectue pas sans heurts. Vingt ans après la promulgation du « décret Crémieux », l’Algérie connaît une vague d’antisémitisme d’une grande violence. La « crise antijuive » débute à Oran, culmine dans cette ville avec de terribles émeutes en mai 1897 et s’accompagnent de persécutions diverses dans la vie quotidienne et officielle. A Alger, les émeutiers, Européens pour la plupart, demandent l’abrogation du décret Crémieux « au nom du peuple en fureur ». Le 8 mai 1897, Edouard Drumont, célèbre leader antisémite, est élu député d’Alger. Ce que l’on devine à travers ces campagnes antijuives, c’est la dénonciation de l’ « indigène » que l’on a hissé à la nationalité française. Derrière l’antisémitisme, se profile aussi la peur du « péril arabe ». en 1962, lorsque les Français d’Algérie quittent le pays, les habitants de la métropole ne feront aucune différence entre les pieds-noirs d’origine européenne et les juifs, dont la présence au Maghreb remonter à plusieurs siècles. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un millier de juifs en Algérie. Cible potentielle des groupes armés (il y a quelques années), ils pratiquent leur culte dans la plus grande discrétion.
Et pourtant, au delà de l’histoire tumultueuse, qui est celle des juifs d’Algérie en particulier, surtout après le décret Crémieu, il est important de constater, que leur vie sociale, culturelle(y compris gastronomique) et religieuse n’a pas changer. Ils ont toujours côtoyer et vécus cote a cote avec la population algérienne (dite arabe) dans une harmonie exemplaire. Les juifs n’ont pas cessé de s’exprimer, en plus de leur langue, en dialecte local propre à chaque région, la vie culturelle et en particulier la musique qu’ils chantaient était de l’Arabo-Andalous. Il est inutile de vous citer les virtuoses de cette musique, qu’ils soient algériens, marocains ou tunisiens.
D’après les témoignages que pu avoir auprès de mes parents, grands parents et aussi loin que remontent mes souvenirs, ils ont habité même ensemble dans une même maison et l’entente était sans pareil. La particularité des maisons où habiter les juifs et les arabes est que la porte de l’entrée de leur demeure commune donnait directement sur la rue. Mes grands parents, de tout temps ont eu comme voisinage, une famille juive, à Tlemcen, pas loin du stade municipale, dans le quartier « beau séjour », en face du garage qui fut celui de Renault, rue Ernest Renan, mes camarades du forum et ayant vécu dans cette ville (ou leur fils), appelée aussi ville d’art et d’histoire (avec ironie : ville d’art et des histoires) se reconnaîtront.
Le découpage architectural de l’intérieur c’était en générale, deux pièces- cuisine pour chaque famille, les pièces étant communicantes ainsi que la cuisine et les deux ou trois familles ayant un espace commun qu’est la cour ou courette pour étendre le linge. Et encore plus, chose impensable de nos jours, les toilettes ou exactement WC, se trouvent dans la cour et faisaient office aussi de cette espace commun. La population européenne a toujours habitait seule, dans des maisons individuelles, comme le quartier résidentiel de « Bel Horizon », ou pas loin celui de « Bel Air », et El-Hartoune ou la Pépinière à la sortie sud de la ville.
Au Maroc, et dans une moindre mesure en Tunisie, la communauté juive, à l’inverse de son homologue algérienne, va résister aux sollicitations occidentales. Certaines tribus juives de l’Atlas participeront ainsi à la lutte contre les troupes françaises. Contrairement aux juifs d’Algérie, comme les juifs tunisiens, n’auront pas leur »décret Crémieux »puisque le Maroc et la Tunisie sont des protectorats. Les naturalisations sont donc individuelles. Plus tard, l’indépendance du Maroc ne les poussera pas à quitter massivement le pays. Et, lorsqu’ils commencent à émigrer en Israël (à l’inverse des juifs algériens qui s’installent en majorité en France) leur départ relève autant du religieux que du politique bien qu’il ait été minutieusement organisé par les autorités israéliennes et sionistes. Mais ce départ engendra nombre de déceptions. En Israël, les juifs marocains seront longtemps maltraités et feront face à des attitudes hostiles, voire xénophobes, notamment de la part de juifs issus d’Europe centrale et de l’est. Néanmoins, le »vote marocain », traditionnellement ancré à droite, reste très influent dans l’état hébreu et aucun homme politique Israélien ne peut l’ignorer.
En 1948, la population juive au Maroc était à 265 000 personnes, puis à 222 000 en 1951(après la première guerre israélo-arabe), puis à 160 000 en 1960(après le guerre de suez) et 31 000 en 1971( après la guerre des six jours). André Azoulay, fut le conseiller du roi Hassan II pour les relations économiques avec les pays occidentaux. Depuis peu, processus de paix aidant, les israéliens d’origine marocaine reprennent le chemin du Royaume pour de courtes visites (pèlerinages, entretien des tombes familiales…) mais aussi, parfois, avec l’intention d’y investir. Une démarche encouragée par la monarchie marocaine d’autant plus qu’elle est très impliquée dans le dialogue israélo-arabe. En effet, la roi Hassan II, qui présidait le comité Al-Quods(Jérusalem), n’a pas hésité à recevoir le leader travailliste Shimon Perres dés la fin des années 1970 et se préparait à en faire autant, au cours de l’été 1999, avec le nouveau Premier ministre israélien Ehud Barak avant d’être emporté par la maladie. Durant le mois de mai 1999, s’adressant aux membres fondateurs de l’Union mondiale du judaïsme marocain, le roi Hassan II déclarait ainsi : « vous êtes nos frères en dieu, nos frères sur terre et nos frères dans les droits. Soyez aussi nos frères qui expriment la personnalité marocaine ».
En Tunisie, on recensait 120 000 juifs en 1947. S’ils sont plus de 80 000 lors de l’indépendance en 1956, la guerre israélo-arabe de 1967 va précipiter leur départ, essentiellement à destination de la France. Il n’en reste plus que 5 000 à l’heure actuelle, essentiellement à Tunis et dans l’île de Djerba. Depuis 1990, le gouvernement encourage les juifs de Tunisie à venir investir dans leur pays natal et chaque année, le pèlerinage de la Ghriba(synagogue de Djerba) attire plusieurs centaines de juifs tunisiens venus de France mais aussi d’Israël.
La « question juive » refait surface au Maghreb à l’été 1999. De façon traditionnelle au Maroc, avec l’émotion des juifs marocain, particulièrement en Israël, après l’annonce du décès du roi Hassan II, et la présence à ses obsèques d’une importante délégation israélienne conduite par le premier ministre Ehud Barak. Mais elle refait aussi surface de manière plus surprenante en Algérie avec un discours prononcé le 5juillet 1999 par le président Abdelaziz Bouteflika à Constantine à l’occasion de la célébration de l’indépendance. « les habitants juifs de la ville, et ils étaient nombreux, ont joué un rôle dans la préservation du patrimoine commun :coutumes, vêtement, art culinaire et vie artistique » ; avec ces paroles, qui ont eu un grand impact sur la diaspora des juifs d’origine algérienne, le Président algérien, qui n’a pas hésité à s »entretenir avec Ehud Barak lors des funérailles de Hassan II(une première), a visiblement décidé que l’Algérie nouvelle se devait, quarante ans parés son indépendance, de reconnaître enfin son « passé juif ».
Kamal