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Juifs d'Algérie, portraits d'exil

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Juifs d'Algérie, portraits d'exil
15 septembre 2006, 08:48
Livre. Avec rigueur et empathie l'historien restitue le déracinement d'une communauté.

Juifs d'Algérie, portraits d'exil

Par Jean-Luc ALLOUCHE

QUOTIDIEN : Vendredi 15 septembre 2006 - 06:00
Les Trois Exils. Juifs d'Algérie, Benjamin Stora, Stock, coll. «Un ordre d'idées», 242 pp., 19 €.

L'infatigable historien de l'Algérie qu'est Benjamin Stora se tourne, cette fois, vers les siens. Né à Constantine dans une vieille famille juive originaire de Khenchela, il se penche sur cette histoire méconnue, peu documentée et presque pas écrite. Sa rigueur érudite ne cède cependant pas à l'effusion, comme c'est très souvent le cas. Mais, du moins, l'émotion, «comme une trace et un hommage» à la mémoire de sa mère, vient-elle étayer cet ouvrage, qui ne pouvait pas être, non plus, de pure science.
Au demeurant, trois photos ponctuent ces «trois exils» , qui disent tout. Elles représentent la famille de Benjamin Stora : la première, au début du siècle dernier, où costumes «européens» et vêtements «indigènes» se mêlent ; la deuxième, dans les années 30, affichant l'optimisme de jeunes gens en pique-nique dans les forêts de Constantine ; la dernière illustrant le «rapatriement» de 1962 et l'indicible tristesse de «l'exode». Trois photos pour trois temps : l'ancien monde, l'émancipation et la fin d'une communauté enserrée entre trois exils. Deux exils intérieurs, et le dernier, définitif.
Le premier rappelle le lent mouvement d'assimilation à la France des juifs d'Algérie, sanctionné par le décret Crémieux de 1870 qui leur offre la nationalité française. Le débat, à ce propos et à ce jour, demeure inépuisable : en les détachant de leur statut de dhimmis (de protégés assujettis à l'islam) pour les faire citoyens, la République les agrège tout en les détachant de leur milieu et de leur culture fortement arabisée.
Le deuxième exil, c'est Vichy qui le leur inflige avec l'abrogation du décret Crémieux d'octobre 1940 qui les relègue à leur ancien statut d'«indigènes». Ils sauront guérir de cette blessure-là. Mais peut-être pas de la dernière : la guerre d'indépendance de 1954-1962 qui les déchire ­ parce qu'à la fois si Français et si «enfants du pays», plus que bien des pieds-noirs, à cause de leur enracinement millénaire ­ et l'arrachement final.
Histoire douloureuse d'une communauté, colorée néanmoins par sa bonne humeur légendaire, si souvent caricaturée au cinéma, que Benjamin Stora décrit avec les instruments qui ont fait sa réputation : rigueur et empathie. Lui qui a consacré ses recherches à l'histoire des nouveaux possesseurs de l'Algérie, a retrouvé «une mémoire longue de l'inquiétude. Et la certitude obstinée qu'il est possible d'être à la fois juif et français, républicain et comprenant les rites religieux, tourné vers l'Occident et marqué à jamais par l'Orient, par l'Algérie» . On ne saurait trouver meilleure définition de cette improbable synthèse historique que fut le juif algérien, et qu'il demeure encore un peu.
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