La Musique Arabo Andalouse
Les origines de la Musique arabe remontent à la période qui se situe entre le Vème siècle et l’expansion de l’Islam au VIIème siècle. L’art musical arabe antéislamique intégra les traditions musicales de la Dynastie des SASSANIDES (entre 224 et 641 ) de perse et du 1er Empire Byzantin (du IVième au Vième siècle ).
La tradition musicale se développa à la cour de l’Empire Musulman du VII ème au XIIIème siècle. Elle connut son apogée sous la dynastie des OMEYADES aux VIIème et VIIIème siècle et connut son âge d’or de la Syrie à l’Espagne, sous le Califat Abasside (750-1258 ).
Le Calife Abasside, AL MAHDI BEN ABIDJAAFAR AL MANSOUR fut un grand adepte de la musique et de la poésie. Son fils HAROUN ER RACHID, plaça la culture à un rang élevé ; il donnait, à chaque poète, à chaque chanteur, l’occasion de montrer son talent.
Dans les palais de l’Andalousie, aux beaux patios fleuris et aux splendides jardins, des califes se succédèrent pendant plusieurs siècles; leur passe-temps préféré fut la musique. Les poètes écrivaient les mouwachchahates les azdjales et les noubats; ils composaient des poèmes remarquables faisant extérioriser les sentiments les plus profonds de leur auteur. Leur vocabulaire exquis et riche permettait une authentique approche de la réalité, de ce que ressentait, vraiment, le poète :
• Nostalgie
• Beauté
• Amour
• Nature
• Satire
Chaque mot de chaque poésie avait un sens très précis qui convenait, exactement, à l’idée que voulait exprimer le poète.
A.S TRITTON disait :
« Le poète arabe examine le monde à travers un microscope. IL s’intéresse au plus petites particularités des lieux ou des animaux et fait de la poésie, de la géologie et de l’anatomie versifiées, quelque chose d’intraduisible ».
Ces poèmes devaient être chantés, il fallait leur associer une musique adéquate exprimant les mêmes sentiments que ceux exprimés par les mots.Deux musiciens marquèrent la théorie et les pratiques musicales : IBRAHIM ALMAWCILI (743-806) et son fils ISHAQ (767-850) surnommés, respectivement, « le Paradis de la terre » et « la mer des chanteurs ». Ils commencèrent à donner une impulsion à la musique et à la classer, la répertorier.
En 822, ABOU L HASSAN ALI BEN NAFI, dit ZYRIAB, esclave persan affranchi, fuya BAGHDAD, par crainte des représailles de son maître ISHAQ EL MAWCILI qui prit ombrage, car le sultan HAROUN ER RACHID, à qui il fut présenté, était conquis par la voix et l’exécution de cet élève. Il arriva à CORDOUE, l’une des capitales de l’Espagne Musulmane, qui fut un foyer de la musique arabe médiévale. Où il fonda la tradition arbo-andalouse qui se répandit jusqu’au Maghreb en passant par Tétouan, Fez , Tlemcen, Alger et Tunis. Cette musique est appelée différemment, selon les pays du Maghreb ; Tareb al Andaloussi au Maroc, al Moussiqa al Andaloussia, en Algérie et le Malouf en Tunisie.
« Zyriab transforma la cour de Cordoue en une avant-garde artistique et culturelle du moment en créant une école musicale. Parmis ses élèves, nous pouvons citer ses propres fils : Abdallah qui avait la meilleure voix, Abderahmane et Qassim, sa fille Hamdouna, tout comme sa sœur Oulya ; il enseigna à plusieurs chanteurs, parmi ceux-ci, Manfi et Masabih, chanteur du secrétaire Abou Hafs Omar ben Qahlil ».
La musique andalouse est un art dont chacun apprécie le charme ; elle propulse celui qui sait l’apprécier, dans un romantisme très doux, sentimental et nostalgique.
« Si la musique nous est si chère, disait R ROLLAND, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme ».
Peut-on rester indifférent devant une Nouba magistralement exécutée ?
Mais, au fait, qu’est-ce qu’une Nouba ?
On a émis sur l’origine des Noubats des hypothèses nombreuses.
En soi, le mot nouba signifie aussi bien événement, tour de rôle. On l’a accepté comme synonyme du mot Senaa «métier par excellence». Effectivement à Tlemcen la musique andalouse est classée par senaa Dil, Reml, etc. Comme elle est à Alger en noubat Dil, Reml, etc.
Une particularité des Noubats qui ne doit pas passer inaperçue est l’ordre dans lequel les musiciens les jouent. Il n’est pas indifférent de faire entendre telle ou telle nouba au gré des assistants ou des musiciens : il y a une règle formelle qui fixe à quel moment du jour ou de la nuit sera chantée chaque nouba.
Exemple
Noubat Reml El Achia L’après midi vers 17h.
Les paroles célèbrent l’aspect de la nature, des champs au moment où le soleil va descendre à l’horizon etc….
Un M’çaddar de la nouba chante ceci :
« Voici le soir, le soleil incline ses rayons dorés vers le couchant. Les ruisseaux roulent leurs ondes à travers la compagne verdoyante. Les oiseaux gazouillent. Les fleurs embaument l’air……. ».
Noubat el maya le soir à partir de 3 h du matin.
Un M’çaddar de la noubat maia:
« Réveille- toi de ton sommeil. La bougie brille encore. O étoile du matin, salue de ma part celle qui est la lumière de mes yeux……… ».
Zyriab est connu pour ses créations musicales et les transformations heureuses apportées à l’instrumentation. IL divisa les noubats en morceaux dont voici, donnée par un musicologue, la définition technique :
-Matchalia :
C’est une sorte de prélude ou d’exposition non mesurée du thème général, jouée par les instruments dans le mode choisi, invitant l’attention de l’auditoire et le conditionnant, suivie d’une ouverture.
-Touchya :
C’est une ouverture instrumentale rythmée. Elle est exécutée par tous les instruments de l’orchestre.
-M’çaddar :
C’est une mélodie ample, lente, exécutée en chœur ou en solo sur un mouvement
uniforme. Les musiciens considèrent le M’çaddar comme le roi de la mélodie, comme la partie la plus noble et la plus émouvante de la nouba.
Un M’ çaddar se compose de plusieurs bits ou maisons, chaque bit comporte généralement 3 ghecens ou couplets Le dernier ghecen est continué par un metlaa qui termine le bit.
Le Mizane utilisé est le kcid
{D.T D . . T . T . . . T.T T } Kcid chant (16/4)
{D . T D . T D .} Derbouka Kcid Musique (8/4)
{D . T T . T T .} Tar Kcid Musique (8/4)
-Btayhi :
Le M’ çaddar est suivi d’un koursi, nouvelle ritournelle instrumentale qui annonce la transition et prépare une nouvelle série de mélodie portant le non de Btayhi.
Le Btayhi se chante sur un mouvement encore assez lent, mais moins majestueux que celui du M’çaddar.
Le Mizane utilisé est le Bachref.
{ D . D . T . T . } Bachref chant (8/4)
{D T . T D . T . } Derbouka Bachref Mus (4/4)
{D . T T . T T . } Tar Bachref Musique (4/4)
Dardj :
Sorte de complainte chantée sur un rythme lent.
Le Mizane est :
{ D D . T T . } Chant et Musique pareil (6/4).
La Touchiat des N’cerafat :
Tout porte à croire que la Nouba classique avait, entre les Drdj et les Insirafat, un intermède purement instrumental, qui avait pour but de laisser reposer les chanteurs et en même temps de préparer la transition entre les mélodies de style sévère déjas entendues et les mélodies plus légères qui allaient terminer le cycle de la nouba. Malheureusement nous ne possédons que les touchiats de la nouba Ghrib et Hsine.
Insiraf :
C’est une mélodie chantée et jouée sur un mouvement alerte où les poèmes deviennent plus gais.Les insirafats sont procédés d’un Koursi.
Le Mizane est :
{ D . T T D . } Chant et Musique (6/8 lent).
Kholass :
Il apporte la conclusion de la nouba, se joue sur un air au rythme vif.
{ D . T T D . } Chant et Musique (6/8 rapide).
On termine par une touchya el kamel comme dans les modes Ghrib et Hsine.
Souvent, on introduit dans la Nouba un Istikhbar entre deux mouvements, de façon générale après un Derdj ou entre deux Insirafats ;
l’istikhbar
C’est une sorte de dialogue entre les instrumentistes individuellement et un chanteur qui entame deux vers ou plusieurs chantés en solo mais non mesuré, relatifs aux circonstances temporelles de son auditoire ou bien relatif à ses sentiments personnels.
Sur les vingt quatre noubats douze sont complètes.
• Hsine
• Zidane
• Rasd dil
• Dil
• Raml maya
• Mazmoum
• Grib
• Madjanba
• Sika
• Maya
• Raml achia
• Rasd
Des instruments appropriés sont utilisés pour l’exécution de la musique andalouse.
1) Le Oud ou Ud, considéré comme étant le roi des instruments de la musique arabe. Il comporte six cordes doublées accordées de l’aigu au grave en ré la mi si la mi ou bien do sol ré la sol ré
2) La kuitra utilisée surtout à Tlemcen et Alger comporte quatre cordes doublées accordées en ré la mi sol.
3) Le R’Beb, instrument à deux cordes, indispensable, donne une certaine prestance à l’orchestre. On joue sur une seule corde accordée en ré l’autre corde assure le contre poids.
4) Le Violon ou Kamendja .
5) La Flute f’hel qui a tendance, malheureusement à disparaître des orchestres de Tlemcen.
6) Le Tar, Derbouka est l’instrument rythmique de la musique andalouse.
A Tlemcen, plusieurs visages ont marqué la musique andalouse, les chanteurs, interprètes sont forts nombreux
La musique andalouse semble bien enracinée à Tlemcen.
Cheikh EL Larbi Bensari avait fait les beaux jours de Tlemcen, son orchestre se produisait à toutes les occasions aussi bien, lors des mariages ou de simples soirées entre amis. Cheikh El Arbi Bensari, un virtuose, jouait de tous les instruments et maniait, avec dextérité le R’beb et l’Alto, Doté d’une mémoire phénoménal, il animait des soirées entières sans jeter une seule fois regard furtif sur une feuille ou un cahier .
Elève de Boudelfa (1853 – 1914) il a su rester fidèle à l’interprétation de la musique telle qu’elle le lui a été enseigné par son maître ; il a suivi le conseil de
Ishaq el mawcili qui disait
«puissions - nous transmettre ce que nous avons appris tel qu’on nous l’a enseigné. ».
La musique andalouse ne doit pas s’arrêter à Cheikh El Arbi Bensari seulement, la formation de jeunes orchestres doit profiter de la compétence de certains anciens encore vivants pour assurer la pérennité de cette musique afin qu’elle ne tombe pas dans les oubliettes. Il est loisible de la parfaire et non de l’altérer par l’intrusion d’instruments inadéquats.
Cheikh Mohammed Dib (1860-1915) avait prévenu :
« La musique classique est une œuvre achevée, inaltérable et parfaite. Et c’était à nous, musiciens qu’incombe la lourde et merveilleuse tache de toujours tendre vers la perfection. L’artiste est celui qui persévère dans l’effort, peine et souffre. C’est dans cette quête perpétuelle qu’il accède à la vérité, triomphe sur lui même en délivrant, aux autres, son message de joie et de sincérité ».
Il serait indécent de terminer cet exposé sans parler de Cheikh Ahmed Bensari dit Rédouane qui comme disait
Djamel Dib
«Par la grâce de son génie, Rédouane apporte la sérénité à tout être aimant l’élégance, il procure, par le miracle de son art, l’apaisement l’enchantement puis la félicité aux âmes qui ont le goût et le sens de la musique, le talent de cet immense artiste n’en finit pas de me remplir d’admiration ».
BIBLIOGRAPHIE
1) ENCARTA 1998
2) Les expositions de l’héritage andalou GRANADA 95
3) Encyclopédie de la musique 1ère Partie
Par Mr ROUANNET
4) Deux grands maîtres de la musique classique dans la tourmente coloniale Par Mr AMAZIGH Koceil
5) Exposé sur la musique Andalouse.
Par Mr Ahmed TRIQUI
6) Exposé sur la musique andalouse
Par Mr Djelloul BELKALFAT
7) Extrait de l’article écrit par Mr El BOUDALI SAFIR
Radio Algérie